La pratique du Rorschach

Ligne éditoriale de Centre de Recherche d'Edition et d'Applications psychologiques en Algérie

La pratique du Rorschach

de N. Rausch de Traubenberg
Présentation de l’édition algérienne par : Kh. Ait Sidhoum : Directeur de CREAPSY, Psychanalyste – Membre de la Société Psychanalytique de Paris

Le Rorschach constitue l’épreuve la plus utilisée dans le monde par les psychologues cliniciens. C’est aussi l’un des rares outils à pouvoir aider ces derniers pour se construire une vue holistique sur l’organisation et le fonctionnement de la personnalité. D. Anzieu a pu comparer le Rorschach à une radiographie, susceptible d’offrir, à celui qui sait s’en servir, une coupe transversale de la personnalité.

Il importe, cependant de relever la complexité des processus mis à l’œuvre dans l’élaboration de la réponse Rorschach ; ils débordent largement la notion de projection, même au sens large proposé par D. Anzieu. L’étude du processus d’élaboration de la réponse et plus largement du protocole gagnerait à être rapprochée du processus d’élaboration du rêve, comme j’ai eu à le montrer dans un article déjà ancien sur l’élaboration de la réponse au Rorschach.

La complexité des processus mis à l’œuvre dans cette élaboration incitent à beaucoup d’humilité lorsqu’on tente d’interpréter un protocole. Le Rorschach est, certes, l’outil d’investigation le plus utilisé dans la pratique du psychologue clinicien, après l’entretien. Il a même largement participé à forger son identité professionnelle…Mais c’est aussi, l’outil le plus difficile à maîtriser, après l’entretien clinique.

Il requiert à la fois :

1 / au titre du prérequis, une connaissance stricte de l’organisation et du fonctionnement de la vie psychique et de la psychopathologie, au même titre que la connaissance de l’anatomie et de l’anatomie pathologique sont des préalables dans la formation d’un radiologue ;

2 / une formation spécifique et un entrainement qui ne peuvent être obtenus que dans le cadre d’une spécialisation. En France, c’est en 1967, – c’est-à-dire il y a un demi-siècle de cela – que « fut créé à l’institut de psychologie le Certificat de formation aux techniques projectives », à la demande de P. Fraisse et sous la direction de D.Anzieu, certificat dans le cadre duquel N. Rausch de Traubenberg a été nommée maître assistante, pour enseigner le Rorschach.Il faut le souligner, ce n’est pas un Paul Fraisse, expérimentaliste de renom, qui aurait cautionné une telle entreprise par pure sympathie avec la psychologie clinique ! Pour mémoire, ce certificat offrait une formation de base – Rorschach et T.AT. – d’une durée de deux ans, et proposait un perfectionnement d’une année.

Qu’en-est-il de la pratique du Rorschach en Algérie ?

Après les premiers balbutiements, antérieurs à la réforme de l’enseignement supérieur de M. Ben yahia, c’est bien Samia Benouniche qui a ancré l’enseignement et la pratique du Rorschach en Algérie. Elève de N. Rausch de Traubenberg, il convient de lui rendre hommage, pour sa rigueur, son sens clinique et ses qualités pédagogiques. Elle a su faire partager sa passion pour le Rorschach à toutes les générations de cliniciens qui se sont succédées à l’université d’Alger depuis 1967 jusqu’à l’avènement de l’arabisation totale de la discipline.

Mais ce mouvement a été endigué par un obstacle objectif, c’est que durant toute la période antérieure à 1998, il était impossible d’acquérir les planches Rorschach en Algérie. De ce fait, seuls quelques psychologues qui avaient la chance de voyager à l’étranger disposaient d’un Rorschach.

L’engouement que l’on constate aujourd’hui pour cette épreuve projective est donc relativement récent. Deux événements ont favorisé son avènement.

1/ Il y a eu d’abord la création du certificat de formation aux épreuves projectives en 1990 à la S.A.R.P. Résultat direct du développement des activités de mon équipe de recherche à l’université d’Alger, nous avons voulu, les membres de mon équipe de recherche et moi-même, y reproduire, à quelques aménagements près, le certificat de formation aux épreuves projectives de Paris V. Et c’est ainsi que de 1990 à 2000, plus de 250 psychologues ont suivi cette formation, parmi eux, un nombre important des enseignants qui assurent, aujourd’hui, la couverture de l’enseignement de ces épreuves à travers le territoire national.

2 / Il y a ensuite la création, en 1998, du Centre de Recherche d’Edition et d’Applications psychologiques – CREAPSY – grâce auquel la disponibilité du matériel Rorschach en Algérie est devenue possible. C’est ainsi que plus de 3000 exemplaires de planches Rorschach ont été diffusés en Algérie, depuis la création de CREAPSY.

Le paradoxe de la situation présente :

La pratique du Rorschach est devenue aujourd’hui une réalité largement partagée dans la pratique et la recherche en psychologie clinique en Algérie…L’on est même arrivé à cette bizarrerie qui consiste à réduire l’examen psychologique au triptyque entretien clinique – Rorschach – T.A.T…

Cette large utilisation ne pouvait pas ne pas subir le contre coup de la dégradation généralisée du niveau de la formation…Que peut devenir, en effet, le Rorschach lorsqu’il n’est pas sous tendu par une bonne formation méthodologique de base et sans une référence soutenue aux lois de fonctionnement de la vie psychique? A quoi peut se réduire la pratique du Rorschach si la formation de celui qui l’utilise est réduite à quelques cours magistraux ou à la discussion partielle, d’un ou deux protocoles, faite au pied levé par l’enseignant ?

Trois repères me permettront de souligner la gravité du mal.

1 / On observe régulièrement que la passation du Rorschach est confiée, y compris dans le cadre de recherches universitaires, à des psychologues sans grande expérience clinique, des psychologues qui ne savent pas bien coter un protocole et encore moins l’interpréter. L’argument servi pour justifier une telle pratique est le suivant : il s’agit d’une simple passation, la cotation et l’interprétation seront assurées par des personnes plus expertes…Une telle pratique relève de l’inconscience et en dit long sur la compétence des professionnels qui la pratiquent. La passation d’un Rorschach ne peut déboucher sur un protocole exploitable que si elle a été conduite par un psychologue qui maîtrise parfaitement la cotation et l’interprétation du Rorschach…

2 / On observe régulièrement la tendance qui consiste à encourager des psychologues à peine initié au Rorschach pour s’engager dans une interprétation psychanalytique ou dans l’utilisation du système intégré proposé par J. E. Exner, avant même qu’ils n’aient une bonne maîtrise de la cotation, de l’élaboration du psychogramme et d’une interprétation basique, fondée sur la mise en relation des facteurs Rorschach.

3 / On observe, enfin, la fâcheuse tendance qui consiste à marginaliser l’enquête et à s’émanciper des exigences d’une passation rigoureuse de l’épreuve. On agit alors comme si l’application d’un système d’exploitation de données d’observation – ici le protocole Rorschach – pouvait avoir une pertinence quelconque dans l’absolu, c’est-à-dire sans le respect scrupuleux des instructions qui valident la recevabilité de ces données d’observation.

Que faire pour faire face à cette situation ?

L’action urgente qui s’est imposée à moi, au titre d’une contribution pour faire face à ces dérapages, c’est d’assurer une diffusion aussi large que possible de l’ouvrage de N. Rausch de Traubenberg : La pratique du Rorschach.

Cet ouvrage constitue, de mon point de vue, le meilleur « antidote » contre le manque de rigueur et la légèreté qui tendent à caractériser la pratique du Rorschach en Algérie.

Ma connaissance de la littérature Rorschach de langue française m’amène à soutenir que ce livre constitue la référence irremplaçable pour tout psychologue qui souhaite une initiation sérieuse à la pratique du Rorschach, ou qui souhaite en vérifier les basiques en cas d’incertitude, lorsqu’il en a une expérience avérée.

Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de faire de l’édition de cet ouvrage, en Algérie, une priorité pour CREAPSY.

Au-delà de la diffusion de cet ouvrage, de l’administration de « cet antidote », quoi faire encore ?

Il n’y a pas de recette miracle…C’est aussi bien la formation de base du psychologue clinicien que celle qui doit ouvrir droit à la pratique des épreuves projectives qu’il convient de revoir… Je rappelle, pour qui veut prendre la mesure du risque encouru quotidiennement, que les conclusions dégagées à partir du recours aux épreuves projectives et donc au Rorschach, constituent une partie non négligeable des repères sur lesquels les psychologues se basent pour se faire une représentation du fonctionnement psychique des personnes qui les consultent. Alors prudence…

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